Discours d’E. Macron – Chronique annoncée d’un rdv historique manqué

A l’issue de manifestations d’une rare violence E. Macron s’est exprimé solennellement ce lundi afin d’apporter des réponses à la colère née des désillusions exprimées par la crise dite des « gilets jaunes ». Après avoir pointé le caractère « historique » de la situation ainsi que la nature globale de la plupart des défis auxquels notre société était confrontée (réchauffement climatique, flux financiers, mouvements migratoires) – reprenant ainsi mot pour mot les termes de l’analyse proposée ici la semaine passée – le président s’est borné à proposer une série de mesures franco-françaises, passant ainsi totalement à côté de l’opportunité qui lui était donnée d’apporter une réponse historique à un défi qui l’est tout autant, en plaçant l’Europe au cœur du débat politique à venir.

L’analyse est une chose, la synthèse et les conclusions en sont une autre. Il est possible de voir juste et de mal conclure. La prestation d’E. Macron en ce lundi soir en est la triste illustration et il est à craindre que les semaines, les mois et peut-être même les années à venir viennent nous le rappeler cruellement.

Largement soupçonné d’être sourd et aveugle aux difficultés que rencontrent nombre de nos concitoyens, E. Macron s’est employé à faire la démonstration qu’il avait enfin pris toute la mesure de la crise auquel notre pays est confronté et nombreux seront sans doute les observateurs à constater que la tâche a, de ce point de vue, été menée à bien. L’analyse tout autant que le ton étaient justes, la conviction et la volonté semblaient sincères. Un état exhaustif des problèmes a été dressé avec l’objectif manifeste de montrer que la profondeur du malaise avait bien été comprise, que les doléances avaient été entendues et que personne ne serait oublié. Des dispositions urgentes allaient être prises en faveur des plus faibles – femmes seules, retraités, ménages modestes – de même que des sanctions à l’encontre de ceux qui ne jouent pas le jeu – fraudeurs, mauvais payeurs. Les grandes entreprises elles-mêmes, jusque-là choyées, allaient devoir rendre des comptes… Ne manquait plus qu’un retentissant « Je vous ai compris » pour que le tableau soit parfait.

Afin de souligner la gravité et la solennité du moment le président n’a pas manqué d’insister sur le caractère historique de la situation, concluant sur la nécessité d’une grande consultation et d’un grand rassemblement. Mais,très étonnamment, après avoir pourtant remarqué que de nombreux pays étaient confrontés aux mêmes problèmes, pointé le fait que les défis auxquels nous devons faire face sont d’une nature planétaire et même constaté que la France avait toujours eu vocation à montrer le chemin « au monde », E. Macron s’est finalement borné à indiquer qu’il allait consulter « les français », se battre « pour la France », établir un nouveau contrat « pour la nation », pour terminer classiquement sur le très traditionnel et très opportun « Vive la république et vive la France ».

SI l’on ne peut que louer ici la volonté manifeste des communicants de l’Elysée de reconquérir le plus grand nombre possible de celles et ceux qui pourraient être tenté(es) par les sirènes des partis extrêmes lors des prochaines européennes, on ne peut par contre qu’être atterré de voir à quel point cela les aura fait passer – et le président avec eux – à côté du défi historique qui s’offrait à eux.

Certes il convenait de faire savoir aux français qu’ils avaient été entendus et que des mesures concrètes allaient être prises afin de soulager rapidement et concrètement les plus défavorisés. Certes il était sans doute pertinent de faire amende honorable en reconnaissant les erreurs qui avaient pu être commises. Mais il fallait aussi et surtout faire preuve de vision et de pédagogie, en rappelant que seule une réponse globale, à l’échelle européenne, était à même de résoudre des problèmes qui sont eux-mêmes d’une nature globale.

Il était essentiel de démonter point par point la rhétorique nationaliste et de montrer de manière très concrète la nécessité absolue d’aller chercher à l’échelle européenne des solutions qui ne sauraient être nationales, quitte pour cela à repenser l’Europe. Tout le contraire donc de ce qui a été annoncé.

E. Macron aurait déclaré qu’il serait dès le lendemain à Bonn afin de lancer avec la chancelière allemande un état d’urgence économique et social, non pas national, mais binational, et que l’un comme l’autre consacreraient ensuite les prochaines semaines à convaincre les autres leaders européens quant à la nécessité de réunir rapidement des états généraux de l’Europe cela aurait été de nature, non seulement à stopper net un mouvement social aux développements qui restent encore aujourd’hui inconnus, mais aussi à provoquer un choc tel dans l’opinion que l’équilibre des forces aurait pu s’en trouver totalement inversé, le péril d’hier se muant instantanément en la chance de demain.  C’est cela qui s’appelle relever un défi historique et c’est en cela qu’E. Macron a manqué son rendez-vous avec l’histoire. Les plus frileux s’en réjouiront sans doute. Les plus visionnaires ne pourront que le déplorer, voire en être effrayés. C’est le cas de l’auteur de ce blog.

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